vendredi 14 novembre 2014

La fromagerie d'Arnex sur Orbe va fermer ses portes

A fin 2014, la dernière page se tourne pour la fromagerie d’Arnex


On savait que le bail du fromager, M. Edy Neuhaus était résilié pour la fin de l’année 2014.
La chose est maintenant confirmée par le journal Omnibus du 14 novembre 2014.
Ainsi, à partir du 1er janvier la production laitière de MM : Baudat Claude et Kesselring Jean-Marie, (les derniers producteurs de lait du village), prendra la route de Lignerolle avec celles des autres producteurs de Bofflens.
Quant au lait d’Agiez et de Pompaples, il s’en ira vers Ballaigues.
La plupart des habitants du village et aussi de loin ailleurs regretteront la fin de la vente des produits laitiers de la famille Neuhaus, si appréciés, les soirs de semaine entre 18 et 19 h.
Pour nous il est temps de retracer l’histoire de ce bâtiment, ancienne ferme de Pierre Werren, transformée en fromagerie en 1893.

Les premières mentions d’une ancienne fromagerie et le bâtiment de 1812
Les coûts de la construction d’une fromagerie en Pré Macherex, soit juste en face de l’habitation actuelle de Jean-Daniel Gozel, figurent dans les comptes communaux de 1812. Pour établir ce nouveau bâtiment, la commune achète trois petits jardins appartenant à Etienne Tachet, David Baudat et aux hoirs de Louis Baudat.
Dans son commentaire sur ces comptes de 1812, le juge de paix Perreaud pose quelques questions à propos de cet investissement qui a coûté 1'276 fr. à la commune : et cela sans que l’on voye si ceux qui profitent de cet établissement en payent l’intérêt pour le loyer.



Commentaires du juge de paix à propos des comptes d’Arnex de 1812

Les années suivantes, il estime que le coût de location de 61 fr. ne couvre toujours pas l’intérêt de la somme investie par la commune.
Finalement, une vingtaine d’années plus tard, le bâtiment est vendu à la Société de fromagerie pour 1'182 fr, soit approximativement le coût initial de sa construction.
Dans les plans du cadastre de 1865 (où nous avons relevé les noms des propriétaires actuels), ce bâtiment figure encore comme fromagerie :



Sur les plans de 1865, le numéro 11 est noté : Fromagerie de la Société de fromagerie

La nouvelle fromagerie en 1893
Plus tard, se sentant peut-être un peu à l’étroit, la société achète et transforme la ferme ayant appartenu à Pierre Werren pour y installer la fromagerie actuelle.




Les dates qui figurent sur la fromagerie actuelle

Pour l’instant nous ignorons la signification de ces dates. Une hypothèse : 1857 serait la date de la construction par Pierre Werren et par-dessus 1893 celle de l’achat par la Société pour une première transformation.

Le lait livré à Nestlé
Pendant un certain nombre d’années, le lait, tout ou en partie, est livré à Nestlé, à Orbe. On mentionne encore une famille Monnier, qui a acheté le matériel nécessaire à transporter le lait vers Orbe.
Nous n’avons pas retrouvé de documents décrivant ces ventes. Elles ont sans doute cessé à l’époque de la fermeture par Nestlé de sa fabrique de lait condensé de Bercher, soit en décembre 1921.

Les transformations de 1926 et la construction de la porcherie de Bulande
Le livre des comptes de la Société de Fromagerie d’Arnex débutant en 1926 présente tous les coûts des importantes transformations de la fromagerie et ceux de la construction de la porcherie de Bulande.
Un très gros investissement de 126'389 fr. est couvert en grande partie par des emprunts. 26'000 francs proviennent du village et 10’000 francs sont empruntés ailleurs, à un taux de 4%. Nous rappelons que, pour établir cette porcherie imposante, la société a acheté du terrain à la Commune au prix de 7.50 fr. la perche.
Ernest Bühlmann, nouveau fromager, dispose ainsi d’une belle fromagerie et d’une porcherie flambant neuve, les deux installations étant reliées par une conduite pour le petit lait. : cette conduite de 360 mètres sera complètement refaite en 1959.
En 1928, la masse du lait coulé se monte à 589'000 kg. En 1934 l’apport des laits d’Essert-Pittet et de Lignerolle (pendant 4 ans) permet d’augmenter le volume transformé.
Au début, la location payée par le fromager est de 10'000 fr. par an, un peu moins par la suite. Dès 1936, elle est fixée à 1,3 ct par kilo de lait livré et 0,3 ct. pour le lait d’Essert-Pittet, puis à 1,5 ct en 1948.
Peu à peu les livraisons de lait augmentent, jusqu’au début de la seconde guerre mondiale. Mais au cours de celle-ci, l’extension des cultures, en conformité avec le plan Wahlen, fait diminuer la production laitière et il faudra attendre 1952 pour retrouver le niveau de 1940. En 1975 on atteint les 930'000 kg, avec ensuite une nouvelle diminution. Il est vrai qu’après l’entrée en vigueur du contingentement laitier, de nombreuses exploitations agricoles abandonnent la production laitière et passent à l’engraissement des bovins.
Fort heureusement, ces dernières années le lait des producteurs de Pompaples, de Bofflens, puis d’Agiez était venu s’ajouter à celui des trois derniers producteurs du village. Ce regroupement avait permis le maintien jusqu’en 2014 de la fabrication de gruyère en été et de vacherins durant l’hiver.

Carte postée en 1937 avec un camion livrant du lait d'autres sociétés : Essert-Pittet ou Lignerolle

Les fromagers
Avant Ernest Bühlmann, il y a eu M. Demont ; on cite aussi un certain Fiechter, laitier vers 1894.
Au départ de Bühlmann en 1952, c’est Franz Luginbühl qui occupe la fonction durant une vingtaine d’années, jusqu’en 1973. 
En 1974, Edy Neuhaus reprend le flambeau, jusqu’à fin 2014.




Notons qu’en décembre 1954, Ernest Bühlmann prend l’initiative de créer un fonds des cloches, un fonds qui a permis de financer l’installation de deux nouvelles cloches à l’église en 1964 ainsi que l’électrification de l’installation. On peut se rapporter au chapitre consacré aux églises d’Arnex. 

Les investissements dans la fromagerie
Au cours de ces dernières années, la société de fromagerie a dû maintenir en état la fromagerie et ses caves. En 1958 est installé un congélateur communal, aux cases louées à des particuliers.
En 1983, d’importantes transformations sont réalisées, des investissements qui nécessitent à nouveau de gros emprunts de la part de la société.

La fin des porcheries
Nous avons mentionné la première porcherie, construite en 1926 par la société de fromagerie. Elle sera complétée par d’autres, construites au cours des ans par les différents fromagers.
Cette importante concentration de porcs va toutefois poser rapidement de gros problèmes à cause de l’évacuation du purin. Au début, celui-ci était régulièrement misé par les agriculteurs, rapportant même quelques centaines de francs à la société. Mais, par la suite, sa reprise a dû être imposée aux producteurs.
En 1963, la Société construit un nouveau creux à purin au bout du Champ du Pommier et, quelques années plus tard, un autre creux est aménagé juste en face, de l’autre côté du chemin.
Finalement, en 1968, la société de fromagerie vend sa porcherie à Franz Luginbühl pour la somme de 55'000 fr., soit guère plus que le coût du nouveau creux.
Malgré l’augmentation du volume de purin stocké, le problème n’est pas résolu et les excédents sont souvent déversés de nuit dans le ruisseau du Moulin Vieux, lequel devient un véritable cloaque, soulevant l’indignation légitime des amoureux de la nature et provoquant mille dénonciations des garde pêche, suivies par les amendes du Préfet.
Après de nombreux changements de propriétaires, la production de porcs prend fin au début des années 1990.
L’incendie du 23 mars 1994, qui détruit complètement la première porcherie construite par la Société de fromagerie, aboutit à une nouvelle affectation pour ce quartier. La zone, devenue zone artisanale, abrite désormais des activités moins polluantes qu’autrefois. En 2006, la Commune s’y installe, achetant une des anciennes porcheries construites par Bühlmann, et y loge le matériel d’entretien de l’employé communal.

En 2014, ce bâtiment est revendu à l’entreprise de ferblanterie et couverture La Toiture qui avait besoin de plus de place pour développer ses activités.


Merci à la famille Neuhaus

Il n'était pas possible de fermer cette fromagerie sans exprimer notre gratitude à la famille Neuhaus, ce sera fait le 31 décembre 2014. Venez nombreux.




L'apéritif d'adieu du 31 décembre 2014




De nombreux clients et amis ont répondu à l'invitation



Pour déguster un morceau de fromage, boire un verre et écouter les propos de Jean-Louis Monnier et du syndic Max Debieux.

Le tout accompagné par les tambours et grosse caise de la Jeunesse d'Arnex








Sous l’œil ému de Madame et Monsieur Neuhaus


En cette fin 2014,pour le village d'Arnex une page s'est tournée...

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