Les tourbières d’Orny ou la ruée sur
la tourbe vers 1918 !
INTRODUCTION
Dans un article précédent nous avons décrit l’exploitation
de la tourbe de Bavois par la société des Laminoirs et Câbleries de Cossonay
sur la commune de Bavois au lieu-dit Le Marais
des Puits.
On sait qu'à cette époque d’autres sociétés étaient actives dans la Plaine
de l’Orbe.
De la tourbe pour
fabriquer du gaz de ville
Grace aux procès-verbaux de la ville de Genève de 1918 à
1922, nous découvrons de façon détaillée, les débuts et la fin de
l’exploitation de la tourbe sur la commune d’Orny.
Les terrains achetés se situaient aux lieux dits : Aux Prés Motthey, Aux Fringuets, Aux Sesènes
et Aux Saugeons.
Soit en face du Marais
des Puits de la commune de Bavois
Dans sa séance du 30 avril et du 3 septembre 1918, le
Conseil municipal de la ville de Genève accepte le projet d’exploitation de la
tourbe pour la fabrication de gaz.
Nous reprenons ici-bas l’intégralité du texte.
Remarque préliminaire
Dans ces lignes les genevois parlent des tourbières de Bavois, en fait, lors de la
revente des terrains, on constate que celles-ci étaient situées sur la commune
d’Orny
Document recopié des pages 54 à 61 de :
Conseil municipal de la
ville de Genève
SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE 1918
Neuvième
objet à l'ordre du jour.
Proposition
du Conseil administratif relative à l'exploitation des tourbières de Bavois
M. Gampert, au nom du Conseil administratif, dépose le
rapport et le projet d'arrêté suivants déjà distribués :
Messieurs les: Conseillers,
Le Conseil
municipal a dans sa séance du 30 avril 1918, voté un crédit de 105,000 fr. pour
l'acquisition d'une tourbière dans la plaine de l'Orbe, (près de Bavois, et
pour l'établissement des installations nécessaires à son exploitation, Une
demande que le Conseil administratif avait présentée dans la .même séance d'un
crédit de 180,000 fr. afin de permettre à la Ville de participer avec l'Etat à
une entreprise de tourbières au Pont et aux Charbonnières, dans la Vallée de
Joux, avait été renvoyée à l'examen d'une commission spéciale.
Les propositions
qui avaient servi de base à cette demande
de crédit ayant été,
ensuite du vote du Conseil municipal, retirées par le promoteur de
l'entreprise, la Commission) ne fut pas réunie et le projet n'eut pas de suite.
La nécessité absolue de .se procurer dies quantités aussi considérables que
possible de tourbe en vue de la production du gaz, et l'approbation donnée par
le Conseil municipal à l'exploitation de Bavois, engagèrent le Service du gaz à
développer cette entreprise plus que cela m'avait été prévu au début et à
concentrer sur elle son activité dans ce domaine.
Le plan primitif soumis au Conseil
municipal prévoyait l'acquisition d'une surface de terrain de 50,000 mètres
carrés environ) dans la plaine de l'Orbe, entre Bavois et Chavornay, à
proximité de la ligne du chemin de fer.
Les tourbières
du Pont et des Charbonnières: ne pouvant plus entrer en ligne de compte, nous
cherchâmes à étendre les achats de terrains: tourbiers près de Bavois. Cette
extension de notre propriété nous assurait une quantité de tourbe beaucoup plus
considérable, permettait une exploitation plus: rationnelle, et assoirait la disposition
d'une surface de .terrain assez vaste pour permettre d'étendre la tourbe et de
la faire sécher. En outre, quelques propriétaires: nous ont obligés, à acheter,
en plus des terrains dont nous avions un besoin immédiat, d'autres parcelles
qui n'avaient pas un intérêt direct pour nous. C'est ainsi que nous avons été
amenés à acquérir de 17 propriétaires différents, une superficie de terrain de
93,700 mètres camés qui, à raison: de 40 à 55 centimes le mètre carré,
représentent une valeur de 45,000 fr. Le Service du gaz se trouvera ainsi en
possession, d'une propriété qui lui assurera une quantité importante de tourbe
de bonne qualité, facilement exploitable.
Les
expériences faites pendant les premiers mois étant insatisfaisantes, et d'autre
part la situation générale du marché des charbons faisant prévoir que nous
aurons encore besoin pendant longtemps de la tourbe comme combustible
accessoire, nous avons estimé qu'il serait prudent de préparer dès maintenant
l'extension à donner à cette exploitation. Selon toutes prévisions elle devra
être poursuivie et augmentée encore en 1919 et 1920. Les installations que nous
serons appelés à faire devront
donc, ainsi que nous l'avons dit précédemment, être amorties en 3 ans.
Les résultats obtenus jusqu'ici
justifient l'extension que nous proposons de donner à cette exploitation et
permettront au Conseil municipal de se prononcer, mieux encore qu'il n'a pu le faire
lors de notre première demande de crédit.
L'exploitation
a commencé le 15 mai dernier au moyen de deux louchets à main. Les
installations n'ont fonctionné d'une manière complète que depuis les derniers
jours du mois de juin. Le printemps prochain, si le temps le permet, le travail
pourrait commencer dès le 1er avril.
Les champs de tourbe ont une
profondeur moyenne de 5 à 6 mètres. La tourbe extraite est de bonne qualité ;
elle a en moyenne 15'% de cendres, teneur calculée sur la matière sèche. Après
avoir été malaxée par la machine, elle donne un produit dur et compact qui peut
être transporté facilement dans les fours par les appareils mécaniques de
l'Usine à gaz, ce qui est un grand avantage et une supériorité sur le bois dont
la manutention est difficile et coûteuse.
Les sous-produits de la distillation
de la tourbe sont, il est vrai, peu importants et peu rémunérateurs.
Si le coke
produit se compose principalement de poussier, on peut briqueter celui-ci avec
du brai et obtenir ainsi uni combustible intéressant. D'après nos calculs, nous
estimons que le gaz de tourbe nous revient environ 1 1/4 fois plus cher que le gaz de houille,
au prix actuel du charbon, en déduisant dans, les deux cas la
valeur des sous-produits. Le gaz de bois coûte
plus cher.
I1 a été expédié, au 26 août, 405 tonnes de tourbe
sèche, c'est-à-dire contenant 25 à 30 % d'eau. Les expéditions vont
continuer ; nous les augmenterons le plus possible. L'été très beau et chaud a
beaucoup facilité l'extraction de la tourbe et activé son séchage. Par les
beaux jours la tourbe sèche suffisamment dans l'espace de 18 à 20 jours et elle
peut être transportée après ce délai.
Nous produisons à Bavois 120 à 130
mètres cubes de tourbe humide par jour de travail de dix heures, ce qui correspond
à 25 tonnes de tourbe sèche environ. Nous sommes obligés de céder à Etat de
Vaud, le quart de notre production, que nous vendons au prix fédéral, soit à 66
fr. la tonne de tourbe malaxée contenant au maximum 45 % d'eau et de cendres.
Nous ne connaissons pas encore
exactement, le prix de revient, mais il sera certainement inférieur au prix de
vente ci-dessus mentionné.
Le prix de revient dépend d'ailleurs
en grande partie de la manière dont on calculera l'amortissement des
installations. Si nous voulons, par exemple, amortir en trois ans les
installations devisées à 175,000 fr. et si nous extrayons 1,000 tonnes de tourbe
sèche en 1918, puis 2,500 en 1919 et 2,500 en 1920, nous trouvons que
l'amortissement de ces 6,000 tonnes de tourbe sèche représente 29 fr. par
tonne.
Il est difficile de calculer le prix
de revient d'exploitation au milieu de la saison ; si ce prix est peut-être un
peu élevé cette année, à cause d'un certain nombre de frais et surtout à cause
de la production réduite de cette année, il baissera sans doute sensiblement
l'année prochaine.
Les
installations actuelles comportent : deux louchets à main, qui ne sont utilisés
que comme réserve, un louchet mécanique et ses accessoires, fourmis par une
maison, de Lausanne, un malaxeur et ses accessoires provenant de la maison Bühler
frères, à Uzwil, une série de wagonnets, les uns pour transporter les boudins
de tourbe mouillée à partir du malaxeur jusqu'à l'emplacement d'étendage, une
seconde série de wagonnets pour le transport de la tourbe sèche, puis quelques
centaines de mètres de voies de 600 mm d’écartement, avec aiguilles et plaques
tournantes, enfin trois baraques servant l'une de cuisine, la seconde de
réfectoire, la troisième de dortoir, avec toutes les installations intérieures
nécessaires, telles que chaudières, marmites, ustensiles de cuisines, tables, bancs,
vaisselle, literie, pour 30 ouvriers, pompe à eau, lavoirs pour le personnel,
etc.
Un puits
installé à proximité de notre chantier fournit de l'eau potable ; cette eau a été
analysée par le Laboratoire d'hygiène du canton de Genève, et trouvée bonne.
Toutes ces
installations fonctionnent à notre satisfaction et, comme mous avons voulu
développer notre production, de tourbe, nous avons été amenés à les augmenter
dans une .certaine mesure. Nous avons en outre l'intention d'établir sur nos
terrains, un hangar en bois de 12 x 32 = 384 mètres carrés destiné à loger
environ 300 tonnes de tourbe sèche avec plan, incliné, voie et treuil actionné
par un petit moteur électrique, pour permettre d'entasser, sans trop de frais,
la tourbe dès que celle-ci est suffisamment sèche. Ce hangar est devisé à
20,000 fr. avec ses accessoires.
En outre, nous construisons à l'usine
à gaz de Châtelaine, un autre hangar également en bois, le long d'une des voies
à charbon vers la clôture nord de l'usine, pour loger la tourbe que nous
recevons et dégager ainsi le magasin à charbon. La tourbe prend beaucoup de place
et il est nécessaire de la remiser à l'abri de la pluie. Ce hangar s'étendra à
l'usine sur une longueur de 101 m. et une largeur de 7 m. 25. Couvert en tuiles
(comme celui de Bavois), il est devisé à 16,800 fr.
Le total des dépenses déjà effectuées
ou à effectuer encore, est le suivant :
Terrains
(93,700 mètres carrés) Fr. 45,000
Deux louchets à main » 3,500
Louchet mécanique avec accessoires
»
12,500
Malaxeur Bühler avec accessoires » 14,600
Deux moteurs électriques pour ces
deux machines,
l'un de 23, l'autre de 4 HP, avec
transformateur »
9,500
Lignes et installations électriques » 9,600
Wagonnets destinés au transport de la tourbe mouillée » 2,900
Wagonnets
basculeurs destinés au transport de la tourbe sèche » 4,000
Rails, plaques tournantes, etc. »
2',500
Trois baraques pour la cuisine, le
magasin, le réfectoire,
et le dortoir »
15,000
Installations inférieures de ces
baraques, soit batterie de cuisine
et literie pour 30 hommes, mobilier,
lavoirs, tuyauterie d'eau, etc. - »
10,500
Hangar à installer sur la tourbière à
Bavois » 20,000
Hangar à construire à l'usine à gaz de Châtelaine » 16,800
Dépenses imprévues
» 8,6000
' Total. Fr.
175,000
Le crédit voté par le Conseil
municipal étant de 105,000 fr., c'est donc une somme de 10,000 fr. que nous
demandons aujourd'hui comme complément au crédit précédent.
Nous vous
demandons, en conséquence, Messieurs les Conseillers, de voter l'arrêté suivant
:
PROJET
D'ARRÊTÉ
Le Conseil municipal, Sur la
proposition du Conseil administratif,
ARRÊTE :
ARTICLE PREMIER
Il est ouvert au Conseil
administratif un crédit de 70,000 fr. pour extension des tourbières à Bavois,
canton de Vaud, et pour développement de leur exploitation.
ART. 2.
Cette somme sera portée au compte du
Service du gaz.
ART. 3.
Il sera
provisoirement pourvu à ces dépenses au moyen de rescriptions à émettre au nom
de la Ville de Genève jusqu'à concurrence de- la susdite somme de 70,000 fr
ART. 4
Le Conseil d'Etat est prié de bien
vouloir présenter au Grand Conseil, en temps opportun, un projet de loi autorisant
cette émission de rescriptions.
ART. 5
Le Conseil administratif est autorisé
à passer les actes authentiques d'achat de (terrains.
Le Conseil décide de renvoyer cet
objet à la Commission des Services industriels.
Une préconsultation est ouverte pour les recommandations à
lui adresser.
Personne ne
demande la parole.
Malaxeur Bühler, photo tirée de la collection de M. Alexis Monnier
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