Les châteaux
disparus de Ste-Croix
Passage
stratégique entre le Pays de Vaud et la Bourgogne la région de Ste-Croix a été
dotée de deux châteaux importants.
Mais
aucun n’a subsisté jusqu’à nos jours.
Ne
restent que leur emplacement et quelques documents attestant leur existence
Ces
deux châteaux étaient situés l’un en dessous de Ste-Croix, (qui n’existait pas
encore) et l’autre en dessous du col des Etroits pas très loin de l’actuel
village de la Chaux. Il s’appelait Franc
Castel
Voici ce qu’en dit Eugène Mottaz dans son
Dictionnaire historique de canton de Vaud de 1914, en page 588.
En fait il reprend l’article du Dictionnaire
historique de canton de Vaud de David Martignier de 1867.
Seigneurie de Ste-Croix.
La région de
Ste-Croix participa pendant environ un siècle aux destinées de la seigneurie de
Champvent. En 1317, Pierre II de Grandson (1297-après 1342)
et son frère Thibaud (ou Thébald) achetèrent (à Jaques de Champvent) la partie
de cette seigneurie située sur la rive gauche de l’Arnon, rivière que l’on
appelait aussi les Arnons, Lyssarnon ou l’Yserne, soit Ste-Croix, Bullet et une
partie de Vuiteboeuf. Ces terres étendues formèrent une seigneurie distincte.
Pierre fit bâtir un château-fort sur un promontoire à l’entrée du vallon dans
une situation extrêmement pittoresque dominant la gorge de Covatannaz et un
vaste horizon.
A 300 ou 400vm. à
l’ouest du château, dans un endroit abrité, il existait déjà un hameau –le
premier qui eut été construit dans la contrée-connu sous le nom de la Villette
de la Sainte-Croix. Il donna son nom à la seigneurie et à toute la contrée et
il grandit rapidement sous la protection de la forteresse voisine.
A cette
époque-là, Hugues de
Chalon-Arlay (1288-1322) était un des plus puissants seigneurs
de la Franche-Comté. Il possédait la terre de Jougne et il étendait ses droits
de souveraineté jusqu’au col des Etroits et aux Mont des Cerfs qui forment
aujourd’hui la limite des deux parties naturelles de la commune :
Ste-Croix et les Granges. Il craignait que son puissant voisin Pierre de
Grandson ne parvint à détourner le transit de la route des Clées, à Jougne pour
l’acheminer sur celle de Ste-Croix.
Les anciens
seigneurs de la Haute-Bourgogne avaient craint des invasions de ce côté-là et
avaient élevé des ouvrages de défense au débouché du chemin qui descend du col
des Etroits, dans le vallon de la Chaux et des Granges. Hugues de Chalon releva
ces fortifications et fit construire un château fort au point le plus étroit du
défilé afin de protéger ses domaines au point de vue économique aussi bien que
militaire. Ce fut le célèbre Franc Castel.
Il y établit un
péage afin de rançonner les voyageurs et les marchands. Cela ne se fit pas du reste
sans lui donner de graves difficultés avec son voisin Pierre de Grandson…..
….Le Franc Castel
On a vu plus
haut qu’en 1317, lorsque Pierre de Grandson fonda la seigneurie de Ste-Croix,
Hugues de Chalon-Arlay, seigneur de Jougne chercha à entraver les
communications entre le Pays de Vaud et la Bourgogne par Ste-Croix, afin de
maintenir le trafic par la route de Clées à Jougne qui traversait ses terres.
Il fit construire dans ce but un château fort au débouché du chemin des Etroits
dans le vallon de la Chaux et des Granges. Ce fut le Franc Castel. Il
commandait complétement la route qui, à cet endroit, passait entre deux parois
de rochers suffisamment proches, pour, dit-on, on pût tendre une chaîne de l’un
à l’autre lorsqu’on voulait fermer le passage.
Un péage ayant
été établi à cet endroit, il en résultat un grave différend entre Hugues de
Chalon et Pierre de Grandson qui possédait des droits sur une partie du plateau
des Granges située au-delà de Franc Castel. Il se termina en 1319 par un traité
signé par les deux seigneurs ensuite de la médiation de Louis de Savoie, (en
fait Louis II de
Savoie, né vers 1290 et décédé en 1349) seigneur de Vaud.
En voici les
principaux articles :
1.
Pierre prête hommage à Hugues et reconnait tenir de
lui 30 livrées de terres dans sa seigneurie de Belmont.
Le Franc Castel continue à appartenir à Hugues et à
ses hoirs, perpétuellement, à savoir : le Châtel et la terre qui l’entoure,
telle qu’elle a été délimitée par Louis de Savoie.
2.
S’il vient des habitants étrangers à la famille du
seigneur pour occuper les terres voisines, les rentes seront partagées entre
les deux seigneurs.
Cette
transaction était précédée de l’hommage de Pierre de Grandson, envers Hugues de
Chalon, à la réserve de celui auquel il était tenu à l’égard du comte de
Savoie, de l’évêque de Lausanne, etc, en sa qualité d’héritier de la baronnie
de Grandson.
Ce traité était
très onéreux pour Pierre de Grandson, puisqu’il fut obligé de céder la moitié
du territoire ou pâturage de la Chaux sur lequel son ancêtre Huon de Grandson
avait exercé le droit de propriété. Plus tard, quand la maison de Savoie entra
en possession de la seigneurie de Ste.- Croix après la mort d’Othon de Grandson
à Bourg en Bresse, elle servit à son tour de sa prépondérance pour imposer
d’autres conditions à la maison de Chalon.
Emplacement du Franc Castel près de
la Chaux de Ste-Croix
En 1485, les
habitants de Ste Croix furent exemptés du péage de Franc Castel et, en 1500, la
borne qui séparait le Pays de Vaud de la Bourgogne fut transportée à
l’extrémité du plateau des Granges, près de la Beufarde, à l’endroit où elle se
trouve encore maintenant, au lieu-dit la Grande-Borne, sur la route de
Pontarlier. Cette borne consistait en un sapin auquel était fixée une cheville
de fer portant la croix blanche de Savoie.
Bien que le
Franc Castel continuât à appartenir à la maison de Chalon il se trouvait donc
enclavé dans la châtellenie de Ste-Croix. Le Châtelain faisait dans ses
nouvelles limites, la levée de corps et tous les actes de haute seigneurie, comme cela résulte des
enquêtes faites en 1545 au sujet de la frontière.
Le Franc Castel continua
à subsister avec un péage jusqu’en 1536. Au mois de février de cette année,
l’armée bernoise qui assiégeait Yverdon à son retour de Genève reçut l’hommage
des habitants de Ste-Croix. Ceux-ci prièrent les chefs de l’armée de bien
vouloir les délivrer des ennemis et vexations qu’ils avaient souvent à
supporter de la part de la garnison bourguignonne du Franc Castel. Cette
demande fut favorablement accueillie et le bailli bernois de Grandson,
Tribolet, fut chargé d’occuper ce château, ce qui fut fait avec l’aide des
intéressés de Ste Croix. Le fait est raconté par la tradition de la manière
suivante :
Le bailli
Tribolet avait fixé un jour pour attaquer le Franc Castel, avec l’aide des
hommes de Grandson et de Ste-Croix. On avait jugé que les préparatifs d’un
siège pourraient donne l’éveil à la garnison qui aurait le temps de se
renforcer et de rendre le succès difficile. Une surprise parut préférable. Au
jour marqué, toutes les précautions étaient prises, les hommes de Grandson
étaient montés dans la nuit sur la montagne où les gens de Ste-Croix gardaient
tous les passages qui conduisaient au châtel que l’on voulait surprendre.
Celui-ci se trouvait ainsi investi par un ennemi invisible. Au matin, des hommes
apostés dans la forêt des Estroits font entendre le bruit de plusieurs
clochettes, comme si un troupeau avait voulu passer en évitant le Franc Castel.
La garnison se précipite nombreuse au dehors afin de saisir tout le troupeau.
Cet instant était attendu avec impatience par les assaillants qui veillaient, rapprochés
des portes ; aussitôt ils arrivent en courant, le château est emporté sans
résistance et immédiatement démoli.
Le Franc Castel
ne fut jamais relevé dès lors. Cela n’empêchât pas qu’en 1579 et en 1592 de
nouvelles difficultés, dont on ignore l’issue, surgissent de nouveau à propos
des péages.
Comme les ruines
du château de Ste-Croix, celles de Franc Castel devinrent une carrière d’où
furent extraits les matériaux nécessaires pour la construction des fermes et
chalets de la Chaux, de l’Auberson, et d’autres hameaux. Il ne reste maintenant
de cette forteresse redoutée que des talus arrondis où l’herbe pousse, mais qui
accusent encore assez nettement, les fossés, les remparts et les murs. Deux
sapins couronnent le sommet de ces ruines.
Quelques modestes fouilles, dont celles de septembre
1875 à l’initiative de la Société du musée de Ste-Croix, ont fait apparaître
quelques restes de murs calcinés, quelques objets de fer, boulets de pierre et
deux pièces de monnaie.
Mais elles n’étaient pas suffisantes pour
reconstituer le plan exact de cet édifice.
L’histoire de Franc castel figure également dans
l’ouvrage de Victor-H. Bourgeois « Au pied du Jura » et dans
« le Nord vaudois « de Ric Berger avec quelques croquis du lieu.
Le plan des lieux vers la Chaux
Le vieux chemin d’Entre-Roches
Le défilé Entre-Roches
La colline de Franc-Castel
au-dessus de la route qui conduit à la Chaux
Les fossés qui entouraient le
château sont restés bien visibles
Une pierre du mur qui n’a pas été
prélevée du site !
Note : Pour plus de détails sur l’accord entre
Hugues de Chalon et Pierre de Grandson du 17 décembre 1309 voir l’acte 615
du Cartulaire dit de Hugues de Chalon :
Le château ruiné
de Ste-Croix
Le château construit vers 1320 au-dessus du hameau de la Villette
Pour conter son histoire, je citerai à nouveau Ric
Berger :
Le château de
Ste-Croix ne fut construit que vers 1320 par Pierre de Grandson qui venait de
recevoir en partage, du seigneur de Champvent, des terres situées de l’autre
côté de l’Arnon. L’emplacement choisi, une sorte de nid d’aigle au-dessus de
gorges de Covatanne, permettait aux défenseurs de surveiller toute la plaine,
et surtout la route très fréquentée qui conduisait en France par un défilé
creusé à travers le Jura.
Le passage était
si important que les Romains y avaient construit une excellente route dont il reste
un certain parcours juste au-dessous dudit château, parallèlement à la route
actuelle et en contrebas. Un écriteau indique l'entrée "route
romaine ».
Une solide forteresse
Né en 1320, le
château de Ste-Croix devint d’emblée une solide forteresse avec un donjon
défiant les assauts. On sait qu’en 1397. Le sire Othon de Grandson, de la
famille qui avait construit le château de Ste-Croix, fut dépossédé de ses
domaines parce qu’on l’accusait d’avoir empoisonné son suzerain le comte Rouge,
Amédée VII de Savoie.
La population,
alors considérable de la Villette de Ste-Croix, par affection pour son seigneur
refusa de reconnaître cette sentence et résista deux ans aux troupes envoyées
pour la mater !
Au siècle
suivant en 1475, le château fut pris et incendié par les Bernois. Rendu à la
Savoie peu après, le Pays de Vaud fut de nouveau conquis par les Bernois qui,
cette fois, y restèrent. En 1540 ils logèrent le premier prédicant protestant
de la région dans la grande tour du donjon, le seul logis encore habitable de l’ancienne
forteresse.
Puis peu à peu
les intempéries dégradèrent les locaux mal entretenus. En 1716 le conseil de
Ste-Croix refusa les crédits que l’on demandait pour fabriquer et poser les
tavillons nécessaires à la réparation des toits et à la fin du siècle les
étages supérieurs s’écroulaient. Sur le plan cadastral de 1814 on voit encore
figurer l’emplacement des tours et la mention « masures du château »,
mais comme l’époque n’avait que du mépris pour le Moyen Age et ses monuments,
on se contenta d’aller piller les pierres branlantes du vieux castel afin de
construire des fermes nouvelles.
Pourtant le fier
castel «tenait » encore en partie au milieu du siècle dernier, si
l’on en croit le témoignage du livre sur le canton de Vaud publié en 1862 par
Louis Vuillemin, témoignage qui apporte des renseignements précieux et peu
connus.
‘’Le voyageur
qui, du pied du Jura, a gravi jusqu’à l’entrée de la vallée de Sainte-Croix,
s’arrête auprès de ruines d’un fort, qui jadis a régné sur la vallée et dominé
le passage. On nommait ce château le château de Fresne.
Le chemin de
Bourgogne passait à cette époque, sur le plateau des Gittes, d’où il descendait
à Jougne ; un nouveau chemin fut tracé dans le milieu de la vallée, des
maisons, une église s’élevèrent sur ces bords ; ce furent les
commencements de Sainte-Croix.’’
Visite aux ruines
Visite fort
décevante. On se demande toujours comment la commune de Sainte-Croix a pu laisser
démolir tout au long du XIX ème siècle son beau château féodal, le seul
monument historique que possédait ce village. Il en a été de même du reste de
l’autre château de Sainte-Croix, le Franc Castel situé à mi-chemin de
l’Auberson et où pas une seule pierre n’est encore visible.
Il nous a été
impossible de retrouver un plan exact du château. Sur le terrain on ne peut
guère identifier que deux constructions aujourd’hui : une tour ronde-sans
doute le donjon, à cause de ses dimensions-laquelle a été transformée en
puits ; plus au sud se dressait la porte d’entrée du château avec son arc
brisé qui était encore debout il y a peu d’années. Comme elle empêchait les
véhicules de passer, on l’a démolie en ne laissant que les bases des piliers.
Et voilà comment
un château vaudois a pu disparaître presqu’entièrement d’un site en ne laissant
que son nom.
La route romaine
située un peu plus loin a eu plus de chance malgré ses 2000 ans d’existence. Il
est vrai qu’elle était taillée dans le roc et qu’on ne pouvait pas lui arracher
ses pierres.
Croquis de Ric Berger de
l’emplacement de l’ancien château de Ste-Croix
En 2001 Daniel de Raemy présente ce plan lors d'une conférence
Et en
2014 ?
Je dois avouer que Ric Berger a retrouvé plus
d’éléments que moi.
Sur place, je n’ai pu que photographier les
toblerones ayant remplacé les murs féodaux…
Les toblerones ont remplacé les
murs du château
Et comme déjà dit, actuellement, de l’ancien château
de Ste-Croix il ne reste que le nom !
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