A l’époque des treuils de vigne dans le vignoble
vaudois
Vignes et mauvaises herbes
Plantée sur nos coteaux, la vigne supporte mal la
concurrence des autres plantes, appelées le plus souvent « mauvaises
herbes ».
Chardons, liserons, mercuriale, amarantes et bien d’autres font concurrence à
la vigne et empêchent un bon développement des grappes.
Citons un vieux livre de Sciences naturelles de
1910 :
Le
vignoble est un monde à part, et le vigneron souvent ne connait que lui et ne
s’intéresse qu’à lui seul. Au printemps, alors que la riche couverture des
feuilles n’a pas encore caché la terre brune, il forme de grandes taches
sombres au-dessus des prairies déjà vertes et parait à distance, dénudé et
monotone ; mais l’enfant du vignoble n’est pas de cet avis. De bonne
heure, armé de sa houe, il ameublit le sol entre les ceps noirs et tordus et en
arrache les intruses, les mauvaises herbes toujours prêtes à prendre leur part
de ce sol riche qui n’a pas été préparé pour elles, mais dont il est difficile
de les expulser complètement Par la persistance qu’elles montent à envahir nos
cultures, n’ont-elles pas quelque chose à nous apprendre ?
Un peu plus tôt, en 1820, dans le contrat signé avec
ses vignerons d’Arnex, Charles Antoine de Lerber note à l’article 1 :Les dits frères, fils de Pierre-Louis
Lavenex d’Arnex s’engagent à cultiver les dites vignes en bons et expert
vignerons, à les fossoyer deux fois l’année, à les provigner convenablement, à
les tailler sans surcharger, à faire de bonnes portées de terre, à les tenir
propres d’herbe et sans légumes et à leur donner en général tous les soins
qu’elles exigent pour leur plus grande prospérité et bon maintien selon chaque
saison.
De l’an mille au milieu du XXème siècle, les
principaux outils furent le fossoir au printemps, puis en été, le « rablet »
comme on dit chez nous pour maintenir la propreté de nos parchets.
Deux vignerons au fossoir pour illustrer la couverture du livre de Jacqus Dubois
Mais vers les années dix-neuf cents trente
d’astucieux mécaniciens imaginent des treuils plus ou moins lourds, capable de
tirer différents types de charrues ou houe.
En automne, une charrue va ouvrir
un large sillon au milieu de la ligne et pousser la terre contre les ceps:
le buttage et au printemps ue autre charrue va refermer celui-ci, le débuttage.
Ce travail avait pour but de protéger le pied des souches
en hiver, mais aussi de lutter contre les mauvaises herbes.
En été, des houes de sarclage, de largeur réglable ou
la »Glardon » avec son couteau fixe éliminaient l’herbe du milieu de
la ligne.
Plus tard, certains moteurs de treuil actionnaient
un compresseur pour sulfater les vignes avec un tuyau.
Les
treuils de vigne en terre vaudoise
En parcourant d’anciens journaux agricoles, j’ai retrouvé les marques suivantes:
Les treuils Gloppe de
Lyon
Le cabestan Léderrey de
Grandvaux
Les treuils Ruedin de
Cressier, Neuchâtel
Les treuils Plumettaz
Les treuils vendus par
la maison Allamand
Les treuils Martin de
Perroy
Les
treuils Gloppe de Lyon
Le musée de machines agricoles de Chiblins en possède
un exemplaire :
Moto-treuil Gloppe de
Lyon
Le cabestan de Léderrey
Les treuils Ruedin de Cressier (Ne)
Treuil Ruedin avec
moteur Zurcher du Musée de Chiblins
Les
treuils Plumettaz
Treuil
Plumettaz au Musée de Chiblins
Historique de l’entreprise Plumettaz,
repris de son site internet:
PLUMETTAZ :
DE LA VITICULTURE AUX TELECOMMUNICATIONS
En 1923, Emile PLUMETTAZ, poussé par
un besoin d'indépendance, crée à Vevey (Suisse) un atelier mécanique comptant 3
ouvriers. Sa clientèle: la maison Nestlé pour laquelle il avait travaillé
plusieurs années comme contremaître-mécanicien à la condenserie de Payerne
(Suisse).
Les
premières activités de la jeune entreprise sont l'étude et la fabrication de
prototypes d'appareils pour l'industrie alimentaire tels qu’emballeuses pour
fromages et fondants ou machines à dénoyauter les cerises. Aux rapports limités
de la fabrication de prototypes s'ajoute le produit de travaux de
sous-traitance en mécanique générale.
En
1929, 15 personnes sont occupées. La crise de 1930 sonnera le glas de la
fabrication de machines pour l'industrie alimentaire. De nouvelles activités
sont nécessaires pour assurer la survie de l'entreprise. La mécanisation de la
viticulture en coteaux apportera la solution au problème. Les premiers moto-treuils pour la culture du sol font leur apparition
sur le marché. Emile PLUMETTAZ développe toute une série d'instruments de
culture convenant à la traction par câble. Ces derniers sont fabriqués et
commercialisés par son entreprise. Jusqu'à la fin de 1945, les ventes se
limitent au marché suisse. En 1943, Emile PLUMETTAZ associe son fils
Fernand pour former PLUMETTAZ & Cie. Le programme d'activités est alors
élargi par l'adjonction de nouveaux produits tels que:
- étude et
fabrication d'un moto-treuil de vigne léger pour le compte de la maison
RUEDIN à Cressier (Neuchâtel).
- étude et
fabrication d'un moto-treuil-cabestan initialement conçu par un vigneron
de Grandvaux, M. E. LEDERREY, pour le compte de ce dernier.
- fabrication de
circulateurs pour chauffages centraux et pour transformateurs.
C'est à cette époque que fut adoptée
la marque "PLUMETT" qui, depuis lors, est utilisée pour la
commercialisation de tous les produits sortant de l'usine aujourd'hui sise à
Bex.
Le
développement et la fabrication de treuils pour la viticulture constituera la
base du "know how" et de la renommée de l'entreprise actuelle. En effet, les exigences de
légèreté, associées à la robustesse, ont contraint le constructeur à la recherche
de solutions originales, tant pour le choix des matériaux que pour la
conception de transmissions mécaniques. Tous les éléments de construction
disponibles dans le commerce ne s'adaptant pas parfaitement aux besoins sont
éliminés. Ceci oblige l'entreprise à fabriquer elle-même la quasi-totalité des
pièces constituant le moto-treuil (moteur exclu).
Dès 1946, par la création de sa
propre organisation de vente et d'exportation, l'entreprise PLUMETTAZ & Cie
connaît un fort développement. En effet, l'ouverture des frontières permet de
trouver en France un débouché important auprès des viticulteurs qui découvrent
la motoculture des vignes en coteaux.
En 1947 et 1950, les locaux loués à
Vevey deviennent trop exigus. Les ateliers sont déplacés à Bex dans le bâtiment
de la nouvelle société "PLUMETTAZ SA", comptant 40 employés à son
actif. Pour répondre à la demande croissante de la clientèle viticole
française, on développe un treuil qui deviendra par la suite un
tracteur-cabestan de montagne.
Dès
1960, les exportations vers la France ralentissent en raison de la disparité
des monnaies. En outre, une saturation du marché viticole suisse se fait
sentir. On constate également un
changement des façons culturales défavorables à l'avenir du treuil de vigne.
Le
treuil-cabestan subit alors de nombreuses améliorations. On développe pour la
sylviculture un treuil-cabestan de 2 tonnes, sur la base des expériences
acquises avec le tracteur-treuil bien connu par les vignerons et les forestiers
suisses. Une version automotrice et une version d'adaptation pour véhicules
utilitaires du genre Jeep ou Land Rover sont offertes sur le marché.
Les
caractéristiques particulières du treuil-cabestan, à savoir force et vitesse de
traction indépendantes de la longueur de câble emmagasiné et, une fois de plus,
rapport poids-performance favorable, ont attiré l'attention d'une clientèle
toute nouvelle pour la société: services publics, entreprises de génie civil,
services de télécommunications, spécialistes du génie militaire et constructeurs
de véhicules utilitaires tout terrain. Ce treuil-cabestan est utilisé pour les
applications suivantes: pose de câbles souterrains (énergie et téléphone),
dépannage de véhicules blindés, auto halage, manutention de wagons, entretien
des forêts, entretien et damage de pistes de ski, etc.
Tracteur
Plumettaz avec son treuil au musée de Chiblins
Le
treuil juste devant le siège
Plaque
sur le tracteur
Vers 1960, les séries Plumett
AT 70, puis AT 80 eurent un certain succès.
Plumett
AT 70 avec treuil et barre de coupe
La maison Allamand de Ballens
Mais je ne connais pas la marque de ce mototreuil vendu par la maison Allamand.
Comme la maison Plumettaz, Allamand S.A fabriquera aussi différentes charrues vigneronnes.
Les treuils Martin de Perroy
Henri Martin de Perroy, décédé en mai
1972 à l’âge de 77 ans fut un des leaders du marché du treuil viticole de 1930
à 1960.
Il va mettre de nombreux modèles sur le
marché, citons :
Le Cumul
Le Super-Eclair
Le Benjamin, type L, BLZ, BLZE
Il va également imaginer le Tracasset, ce petit véhicule à
moteur adapté aux petits transports.
Malheureusement, je n’ai pas pu trouver toutes
les sources qui m’auraient permis de présenter l’illustration exacte de ces
différents modèles.
Alors en voici une série, un peu en vrac…
1935 au Musée de
Chiblins
1940, au Musée de
Chiblins
Ancien treuil de Gérald
Baudat avec un moteur Bernard chez son beau-fils
Mototreuil
portatif : Modèle « BLZ »
Le tracasset d’Henri
Martin.
Véhicule utilitaire à l’origine il est devenu
véhicule de courses pour la célèbre course des tracassets de Lavaux.
En janvier 2018, M. Farine, un lecteur nous signale :
En janvier 2018, M. Farine, un lecteur nous signale :
Suite
à votre blogue je suis allé me balader à Perroy et j’ai vu l’ancienne petite
usine Martin.
Nous
avion aussi un Tracasset qui nous avait été livré par le représentant M
Deschant sauf erreur, il nous a rendu d’énormes services vu que nous n’avions
pas de voitures,
nous
allions même à la messe le dimanche toute la famille sur le Tracasset !
Promenade en famille
Compresseur pour sulfatage direct
Un compresseur
s’adaptant aux treuils Martin pour sulfater vignes et vergers
Henri Martin, presque
toujours présent au Comptoir suisse avec ses treuils !
Une
publicité des années cinquante parue dans la Feuille d’Avis de Lausanne :
LES MOTO-TREUILS MARTIN
Monsieur H. Martin, constructeur, à Perroy, présente à son stand 733,
Halle 7, une gamme complète de moto-treuils. L'attention des propriétaires de
domaines accidentés, dont les vignes sont inaccessibles aux modèles connus, est
spécialement retenue par un petit modèle breveté de moto-treuil portable à dos
d'homme, qui rendra d'inappréciables services.
En outre, ce petit modèle se transforme, en un tour de main, en un
petit châssis motorisé, par une combinaison ingénieuse. Tous les modèles
possèdent un enrouleur de câble automatique, une révélation dans le domaine de
l'enroulage du câble de moto-treuil.
Un gros modèle genre petit tracteur avec éclairage et démarrage
électrique, moteurs Diesel et benzine de 8 à 15 CV. Ses modèles connus, dont la
renommée n'est plus à faire, font honneur à la Maison Martin, spécialisée dans
cette fabrication depuis 20 ans. D'autre part, nous remarquons que la Maison a
sorti une nouveauté qui consiste en une machine à marquer les routes,
présentant le plus grand intérêt pour les entreprises de travaux publics.
Une
riche carrière, mais certains regrettent…
En 1947 parait dans la Terre vaudoise, un article consacré aux machines viticoles, signé
By, je reprends le passage consacré aux treuils d’Henri Martin et je cite :
Par
contre, le mototreuil automobile Martin se répand très largement : son
poids en fait un petit tracteur pour le déplacement des instruments, pour le
transport de la vendange, du fumier.
Henri
Martin, de Perroy, n’a pas eu, comme les constructeurs de charrue, de
concurrents sérieux. Faut-il dire qu’on peut le regretter ?
Et
que si la concurrence avait joué, le treuil Martin aurait un différentiel pour
faciliter les virages lors de l’emploi en tracteur, il aurait une prise de
force normalisée, il aurait un frein agissant sur les deux roues ? Il
trouverait alors un intéressant débouché dans nos montagnes où les chemins
muletiers sont trop étroits pour permettre l’emploi d’un autre tracteur que le
mototreuil Martin dont le câble rendrait de précieux services.
Treuils montés sur un tracteur
Les chemins construits lors des remaniements parcellaires ayant facilité l'accès aux parcelles de vigne, certains viticulteurs se sont équipés d'un treuil monté sur un tracteur.
Treuil de Raymond Morel actionné par la prise de force du tracteur
Avertissement
au lecteur attentif :
N’étant pas spécialiste en matière de machinisme
viticole, j’ai sans doute omis, dans cet article, de citer d’autres
constructeurs de treuils et une erreur s’est peut-être glissée dans mes propos.
Merci de me le signaler par un commentaire.
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