Voici les faits relatés par la Feuille d'Avis de Lausanne du 25 novembre 1880 :
Le commentaire sur l'éducation obligea Louis Daniel Morel, instituteur d'Arnex, à prendre sa plume et demander quelques rectifications à Monsieur le rédacteur.
Ce dernier en publia une partie
Pour plus de précisions, prenons connaissance des faits relatés par la justice, car vu la gravité des fait, il y eut jugement à Orbe les 29 et 30 janvier 1881
Le 21 novembre 1880, il y avait danse de la jeunesse de Bofflens, dans
une des salles de la Maison communale.
Vers les 10 heures du soir, une vingtaine de jeunes gens d’Arnex sont
arrivés à Bofflens ; ils ont demandé de pouvoir participer à la danse, ce
qui leur fut accordé moyennant paiement de fr. 2.- par personne.
Bien qu’ils eussent été reçus avec bienveillance, les jeunes gens
d’Arnex, ou du moins une partie d’entre eux se comportèrent assez peu
convenablement dans la salle de danse vis-à-vis des personnes qui s’y
trouvaient. Comme ils étaient plus nombreux que les jeunes gens de Bofflens, ils prétendirent agir en maîtres, de là une altercation dans laquelle des coups furent échangés et une table couverte de bouteilles fut renversée. L’un des membres de la Jeunesse de Bofflens,
Le jeune Louis Bonzon d’Arnex dansa pendant la soirée avec
Ils étaient 7, savoir Adrien Monnier,
Ils furent accueillis dans
Gaugaz Abram et Eugène Besson quittèrent la salle de danse en compagnie
du sieur Paul Favey pendant que les jeunes gens d’Arnex sus nommés se trouvaient
dans la maison Gerber ;
Connaissaient-ils cette circonstance, c’est ce qui est permis de
supposer d’après ce qui s’est passé dans la suite. Gaugaz et ses
compagnons traversèrent la place dite « Sus
Chaumy », arrivés près de la ruelle qui sépare les maisons Clerc et
Golay, ils entendirent parler et reconnurent les voix des jeunes gens d’Arnex
qui sortaient de la
maison Gerber ; craignant pour eux-mêmes ou animés par
des motifs de vengeance ou de jalousie, c’est ce que les débats établiront,
nous l’espérons, Gaugaz se munit d’une pellette à charrue qu’il prit vers la maison Clerc et les
deux Besson s’armèrent de deux bâtons. Lorsque les jeunes gens d’Arnex
débouchèrent sur la place de « Sus
Chaumy », du côté opposé à la porte par laquelle ils étaient sortis de
la maison Gerber ,
ils trouvèrent Gaugaz et les Besson qui leur demandèrent ce qu’ils faisaient
là. Une dispute s’éleva ; des propos on en vint aux coups. Abram Gaugaz se
servit alors de sa pellette de fer et en frappa à la tête Adrien Monnier
d’Arnex, qui était sorti un des premiers de la maison Gerber.
Monnier tomba, Gaugaz fut alors désarmé par Abram Lavenex qui le
renversa. Pendant que cet épisode se passait, Abram et Eugène Besson frappaient
de leurs bâtons les adversaires qu’ils rencontraient devant eux : malgré
leurs bâtons, ils finirent par avoir le dessous. Abram Besson réussit à
prendre la fuite et Eugène Besson assez mal traité fut jeté sur un tas de
pierres.
La lutte terminée, on s’occupa d’Adrien Monnier qui avait perdu son
chapeau et qui se plaignait d’avoir reçu un mauvais coup à la tête. Monnier rentra
d’abord à la salle à boire de la jeunesse, puis il sortit pour se laver à la fontaine. Comme le
sang coulait abondamment de sa blessure, le fromager Landry lui offrit de
changer de linge. Il le conduisit à la fromagerie, il lui donna une chemise
qu’il réussit à mettre, mais immédiatement après Adrien Monnier s’évanouit. On
le transporta chez une parente, la veuve Marchand et le docteur Müller fut appelé à
lui donner des soins. Le père du blessé, Jaques Monnier chargea son frère
Georges de se transporter auprès du Juge de Paix pour lui dénoncer les faits
qui venaient de se passer à Bofflens. Le Juge ouvrit immédiatement une enquête
et le père Monnier confirma le 30 novembre 1880 sa plainte en demandant
l’arrestation du coupable, soit Abram Gaugaz. Le juge chargea le docteur Müller
de tenir un journal de la maladie et de faire rapport sur l’état du blessé.
Le rapport du docteur constate qu’Adrien Monnier a, à la partie moyenne
de la région occipitale gauche une plaie linéaire de 4 centimètres de
longueur, partant de la ligne médiane et se dirigeant légèrement obliquement à
gauche et en bas. Les bords de la plaie rapprochés l’un de l’autre se laissent
facilement écarter, surtout le bord inférieur ; on remarque alors le
pariétaux détaché de l’os et à un demi centimètre environ au dessous de la
plaie cutanée une plaie du crâne en forme d’ellipse allongée de la grandeur à
peu près de la plaie du cuir chevelu. Le chapeau de feutre gris du blessé fut
présenté au docteur qui constata que la fente linéaire de 4 ½ centimètres de
longueur qui traversait ce chapeau correspondait de tout point à la plaie de la
tête.
Au moment où le docteur Müller visita pour la première fois le malade,
il le trouva gisant habillé sur un lit, la tête recouverte d’un linge mouillé
dans un état comateux complet, les yeux fermés, la respiration faible, le pouls
très lent, les membres raides, contractés. Il était pris de bâillements et de
grincements de dents très fréquents. Le malade fut pendant quelques jours entre
la vie et la mort, atteint parfois de convulsions générales épileptiformes,
suivies d’un coma profond. Ce n’est que le 15 décembre que le docteur Müller
put déclarer que la blessure n’aurait pas de suites funestes, tout en faisant
des réserves pour les infirmités plus ou moins graves et plus ou moins durables
qui peuvent en résulter.
Le 29 décembre Monnier a pu se lever un moment sans être incommodé, mais
il n’a pas pu reprendre à cette date ses occupations ordinaires.
L’incapacité de travail est de plus de trente jours et il est heureux
pour Gaugaz que le malade ait pu se rétablir de la grosse blessure qu’il a reçue
de lui.
Dans l’enquête Gaugaz a nié avoir frappé avec un instrument quelconque,
mais le fait parait bien établi, ainsi que les circonstances que les deux
Besson ont fait usage de leurs bâtons qui ont été retrouvé le lendemain matin
sur le théâtre de la lutte, ainsi qu la pellette qui a servi à frapper Adrien
Monnier.
Bien que celui-ci, soit à notre avis suffisamment puni par la blessure
qu’il a reçue, le tribunal l’a mis néanmoins en accusation ainsi que Lavenex,
les deux Bovet, Beauverd, François
Monnier , Louis Bonzon et Baudat qui ont tous pris une part
plus ou moins active à la batterie, parce que c’est au Jury qu’il appartiendra
de déclarer si Adrien Monnier est suffisamment puni par la blessure qu’il
reçue.
C’est ensuite de ces faits que le tribunal d’accusation a, par arrêt du
4 janvier 1881, renvoyé devant le tribunal correctionnel du district d’Orbe les
soussignés :
1. Abram Gaugaz
2. Eugène Besson
3. Abram Besson
4. Adrien Monnier
5. François Monnier
6. Jules Beauverd
7. Abram Lavenex
8. Marc Louis Baudat
9. Eugène Bovet
10. Samuel Fréderic Bovet
11. Louis Bonzon
Lausanne le 11
janvier 1881
Le village de Bofflens devant les Auges
Et voici le jugement du 29 et 30 janvier 1881 relaté par la FAL du 2 février 1881
Orbe, les 29 et 30 janvier
1881
Jugement de la batterie ayant
eu lieu durant la nuit du 21 au 22 novembre 1880 à Bofflens.
Selon les Procès verbaux du Tribunal
correctionnel d’Orbe conservés aux Archives cantonales vaudoises.
(KXVIIIn 141, pages 205 à 224)
Il
faut reconnaître que la justice d’alors est plus expéditive que maintenant.
Après
la procédure du choix des membres du Jury et des Juges par les différentes
parties, le procès commence le 29 janvier 1881, soit deux mois après les faits.
Les débats dureront deux jours pleins
Le
Tribunal correctionnel du district d’Orbe placé sous la présidence de G.
Contesse, assisté de deux juges, Messieurs Turtaz et Jaillet peut se mettre au
travail avec neufs jurés issus des villages du district.
Les
onze accusés sont là, et il est procédé à la vérification de leur identité.
On
apprend que Jules Beauverd, domestique à Arnex, vient de Chavornay. Abram Besson , domestique à
Cuarnens, est le plus vieux avec ses quarante ans. L’âge des autres accusés se
situant entre 17 et 28 ans.
L’avocat
Ruffy assiste les accusés de Bofflens et ceux d’Arnex ont fait appel à l’avocat
Ruchonnet de Lausanne.
Le
procès commence par le long défilé des témoins, trente sept ont été
convoqués !
Parmi
eux, nous retrouvons Aimé Landry de Jougne et laitier à Bofflens, dame Gerber
venant de Bâle et habitant Bofflens, sa fille Anna âgée de 23 ans et domestique
à Romainmôtier. Quant aux autres, pour la plupart, ce sont des jeunes ayant participé
au fameux bal du 21 novembre 1880.
Adrien
Monnier, pas encore très bien rétabli, est autorisé à quitter la salle assez
rapidement.
Le
médecin Eugène Müller de Romainmôtier, qui a soigné Adrien Monnier, est
également appelé à la barre pour présenter son rapport.
En
fin de journée, après avoir entendu toutes ces personnes, la séance est
suspendue à sept heures du soir.
Les
travaux reprennent à neuf heures, le lendemain matin.
Les
auditions étant terminées le président donne la liste des questions qu’il se
propose de soumettre à la solution du Jury.
Puis
c’est au tour des avocats des accusés et du Procureur de prendre la parole.
Enfin
à trois heures et demi le Président remet au chef du Jury le programme des
questions qu’il est appelé à résoudre.
Le
Jury se retire pour délibérer.
A
cinq heures la Cour se réunit à nouveau pour entendre les décisions du Jury.
Première
question :
L’accusé Abram Gaugaz de
Bofflens est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu
une lésion qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant
plus de trente jours ?
Réponse : Oui à
l’unanimité
Deuxième
question :
L’accusé Eugène Besson de
Bofflens est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu
une lésion qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant
plus de trente jours ?
Réponse : Oui, à
l’unanimité
Troisième
question :
L’accusé Abram Besson de Bofflens est-il
coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre 1880 pris une
part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu une lésion qui l’a
mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant plus de trente
jours ?
Réponse : Oui, à
l’unanimité
Quatrième
question :
L’accusé Adrien Monnier
d’Arnex est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle il a reçu une lésion qui
l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant plus de trente
jours ?
Réponse : Non à
l’unanimité
L’accusé François Monnier
d’Arnex, est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu
une lésion qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant
plus de trente jours ?
Réponse : six non, trois
oui
Sixième
question :
L’accusé Jules Beauverd de
Chavornay est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu
une lésion qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant
plus de trente jours ?
Réponse : six non, trois
oui
Septième
question :
L’accusé Abram Lavenex d’Arnex
est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre 1880 pris
une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu une lésion
qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant plus de
trente jours ?
Réponse : six non, trois
oui
Huitième
question :
L’accusé Marc Louis Baudat
d’Arnex est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu une
lésion qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant plus
de trente jours ?
Réponse : Non à
l’unanimité
L’accusé Eugène Bovet d’Arnex
est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre 1880 pris
une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu une lésion
qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant plus de
trente jours ?
Réponse : Non à
l’unanimité
Dixième
question :
L’accusé Samuel Fréderic Bovet
d’Arnex est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre
1880 pris une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu
une lésion qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant
plus de trente jours ?
Réponse : Non à
l’unanimité
L’accusé Louis Bonzon d’Arnex
est-il coupable d’avoir à Bofflens dans la nuit du 21 au 22 novembre 1880 pris
une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu une lésion
qui l’a mis hors d’état de vaquer à ses travaux ordinaires pendant plus de
trente jours ?
Réponse : Non à
l’unanimité
L’accusé Adrien Monnier est-il
suffisamment puni par les mauvais traitements qu’il a éprouvés ou par les
blessures qu’il a reçues ?
Réponse : Conformément à
l’article 392 du code de procédure pénale, le Jury estime cette question
résolue par sa réponse à la
question N ° 4
Treizième
question :
Abram Gaugaz est il l’auteur
de la lésion dont Adrien Monnier a été victime, lésion ayant entraîné plus de trente
jours d’incapacité de travail ?
Réponse : Sept oui, deux
non
Quatorzième
question :
Abram Gaugaz a-t-il fait usage
d’une arme meurtrière ou d’un instrument dangereux ?
Réponse : Sept oui, deux
non.
Quinzième
question :
L’accusé Marc Louis Baudat a-t-il
agit avec discernement ?
Réponse : Conformément à
l’article 392 du code de procédure pénale, le Jury estime cette question
résolue par sa réponse à la
question N ° 8
L’accusé Eugène Besson est-il
suffisamment puni par les mauvais traitements qu’il a éprouvés ou par les
blessures qu’il a reçues ?
Réponse : Six non, trois
oui
Le
jury ayant donné ses réponses, la parole est donnée au Procureur pour prononcer
son réquisitoire, à la fin duquel il demande les peines suivantes :
Pour
Abram Gaugaz, six mois de prison et le deux tiers des frais et pour Auguste et
Eugène Besson, un mois de prison, 100 fr d’amende et le solde des frais.
La
partie civile représentée par le père d’Adrien Monnier réclame 1'200’fr
d’indemnité aux trois accusés de Bofflens
Le verdict
Après
avoir siégé à huis clos, le tribunal rend le verdict suivant :
Abram Gaugaz, Eugène Besson et
Abram Besson
sont coupables d’avoir à Bofflens, dans la nuit du 21 au 22 novembre 1880 pris
une part active à une batterie dans laquelle Adrien Monnier a reçu une lésion
qui la mis hors d’état de vaquer à ses occupations pendant plus de trente jours
et dont l’auteur Abram Gaugaz a fait usage dans la rixe d’un instrument
dangereux. Que les accusés Adrien Monnier, François Monnier , Jules
Beauverd, Abram Lavenex, Marc Louis Baudat, Eugène Bovet, Samuel Fréderic Bovet
et Louis Bonzon n’ont pas pris part à cette batterie ; faisant application
des articles 240, 242, 244, 232 du code pénal et 407 du code de procédure
pénale, le Tribunal prononce :
Abram Gaugaz, âgé de 28 ans de Bofflens, y domicilié, agriculteur est condamné à
subir quatre mois d’emprisonnement.
Eugène Besson, âgé de 27 ans, de Bofflens, y domicilié, agriculteur est condamné à 10
jours d’emprisonnement et 30 fr d’amende.
La
partie civile recevra également cinq cents francs de la part d’Abram Gaugaz
Que sont-ils devenus ?
Je ne sais rien des
jeunes de Bofflens, mais Adrien Monnier n’a pas gardé un trop mauvais souvenir
de ce village, puisque que le 24 février 1906, il épouse à Romainmôtier une
demoiselle Augustine Besson de Bofflens qui lui donnera deux enfants, dont
André surnommé « Chicorée ». né en 1906 et décédé en 1966.
Son autre fils
Alexandre est mort de façon tragique, tué par la foudre à Ballaigues en
cueillant des narcisses Vers Chez Thouny le 1er juin 1930 à l’âge de
23 ans.
Mais Adrien décède en
1908, soit à peine deux ans après son mariage. Sa veuve Augustine épouse Alfred
Bonzon en 1919 et décède en 1969.
Samuel Fréderic Bovet
ou Fréderic Samuel aura quatre fils, Louis le concierge du collège, Henri le charron,
Charles victime d’un accident en 1934 et Samuel qui deviendra centenaire.
Abram Lavenex
(1860-1937) est le grand père de Marcel Lavenex, parqueteur et tenancier de la
Couronne dans les années cinquante.
Eugène ou Eugène David
Bovet (1862-1943) épouse Marie Louise Brocard de Dizy en 1903 et décède sans
enfants en 1943 à Vuillerens.
Il y avait encore dans
cette équipe, Jules Beauverd et Marc Louis Baudat qui ont sans doute quitté le
village par la suite et dont on connaît peu de chose.
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